Détail d'une partition de la partithèque du M'O+

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Titre Sämtliche Orgelwerke, Band 5: Sonaten, Trios, Konzerte
Compositeur Bach, Johann Sebastian
Opus
Année de composition
Éditeur(s) scientifique(s) Pieter Dirksen
Éditeur Breitkopf
Numéro d'édition EB 8805
Année de l'édition 2010
ISMN 979-0-004-18366-3
Site de l'éditeur http://www.breitkopf.com
Nombre de pages 216 (172)
Date de réception au M'O 21/01/2011
CommentaireLa «Bible» de l'organiste est sans contexte l'œuvre de Johann Sebastian Bach, et l'étudiant se trouve confronté au difficile problème du choix d'une bonne édition. Pour compliquer encore la situation, ne voilà-t-il pas que deux nouveaux textes nous sont présentés simultanément! D'une part le premier volume d'une édition américaine (P_0115) qui sera commenté prochainement, et d'autre part les deux premiers volumes d'une nouvelle édition chez Breitkopf, celui-ci et P_3720, alors que le catalogue de ce même éditeur comprend toujours les dix volumes bleus de l'édition par Heinz Lohmann, sans doute un des maître-achats jusqu'ici, pour ceux qui ne veulent pas faire la dépense de la Neue Bach-Ausgabe de Bärenreiter.
Cette nouvelle édition qui comprendra dix volumes. Le conseil de rédaction, composé de Werner Breig, Pieter Dirksen et Reinmar Emans, présente l'ensemble en une page. «Cette nouvelle édition de la musique pour orgue de Bach est conçue pour servir à l'interprétation et se base sur l'état actuel de la recherche sur Bach. Les connaissances se trouvant dans les éditions critiques antérieures ont été prises en considération, sans pour autant être intégralement reprises.» L'édition comprendra toutes les œuvres figurant dans le BWV (étonnamment, la «petite» édition de 1998) entre les numéros 525 et 771, ainsi que les œuvres figurant dans l'appendice dont la présence ici a été jugée justifiée, de même que les œuvres classées par Schmieder dans la musique pour claviers, dans lesquelles l'usage de la pédale est mentionné dans les sources, ainsi que les quatre Duetti de Clavier-Übung III. On peut se demander s'il n'aurait pas été judicieux d'y inclure au moins L'Art de la Fugue... De même, pour ce qui est des transcriptions de concertos, rappelons que les organistes auraient avantage à lire, voire à jouer, sur des orgues avec ou sans pédalier, les seize concertos BWV 972 à 987 qui ne figureront pas dans cette édition car étiquetés «pour clavecin».

Dans son introduction d'une dizaine de (grandes) pages, Pieter Dirksen fait preuve de son habituelle érudition, et le nombre de citations bibliographiques fait à peu de choses près la somme de ce qui a été publié sur le sujet (j'y ai quand même cherché en vain la mention du fac-similé du manuscrit autographe des Sonates, publié par Bärenreiter en 1987...). On peut cependant hésiter à le suivre sur quelques points de détails. Comme par exemple quand, évoquant les origines du trio dans lequel la basse n'est pas apparentée à une mélodie de choral, il déclare (page 18 du texte anglais) que «Le trio pour deux claviers et pédale est un des genres les plus caractéristiques de la tradition de l'orgue français, que Bach connaissait par sa familiarité avec les œuvres imprimées de Boyvin, Du Mage, Grigny et Raison». Outre le fait que seul le livre d'orgue de Grigny a réellement été connu par Bach (les trois autres auteurs étant à juste titre classés par Kirsten Beißwenger dans son étude sur la bibliothèque musicale de Bach sous l'étiquette «nicht gesichert»), Grigny n'a pas écrit un seul trio semblable. Sur les 43 pièces de son livre, seules la deuxième partie de deux des extraits adopte cette écriture, sans même que le titre en fasse mention. Et si l'on veut absolument prendre en compte les trois autres auteurs, Du Mage ne connaît pas cette forme d'écriture, Raison la pratique dans deux pièces sur les 84 mouvements de ses quatre messes, et dans 16 mesures de son grand Offertoire. Quant à Boyvin, il écrit trois trios avec pédale sur 118 pièces de ses deux livres. Ce genre de trio n'est donc vraiment pas une des «plus caractéristiques» formes de l'orgue classique français. Dirksen évoque ensuite le Tabulatuurboek de Anthoni van Noordt, publié en 1659 à Amsterdam, dont deux des 41 versets de psaumes sont écrits en trio, avec une véritable basse, pas un cantus firmus à la pédale. Encore faudrait-il démontrer que Bach en a eu connaissance! En tout cas, van Noordt ne figure pas dans la centaine de compositeurs dont il est avéré, ou probable que leur musique fut connue par Bach, évoqués dans son livre par Beißwenger.
Pieter Dirksen se montre plus convaincant quand il traite des pratiques d'interprétation: il est un des rares auteurs à faire remarquer que, dans les trios, l'écriture de main gauche de Bach ne franchit pas la limite du deuxième do, ce qui permet de jouer une octave plus bas, induisant à la fois des solutions pratiques pour la registration et un très grand confort dans le jeu. Il n'aurait cependant pas été incorrect de mentionner le seul argument contrariant cette hypothèse: dans le premier mouvement de la sixième sonate, mesure 67, un fort ennuyeux do dièze, octavié vers le bas, est injouables sur les orgues du temps de Bach, dont le clavier était dépourvue de cette première altération...
Si vous ne parlez pas l'allemand, et que vous avez béni l'éditeur qui vous donne la traduction anglaise de la Préface et de l'Introduction, vous vous demanderez pourquoi il n'a pas fait figurer en tête du Commentaire critique, page 202, la mention indiquant que la version anglaise de ce texte se trouve sur son site. Seul le lecteur très attentif trouve cette mention en fin de l'introduction, page 28. Et pourquoi obliger le lecteur à errer sur ce site, et ne pas lui donner le lien complet: http://www.breitkopf.com/feature/ausgaben/5561? D'autant plus que 5561 n'est pas la référence de l'ouvrage, qui porte le numéro d'éditeur 8805... Une dernière remarque sur l'appareil critique: nombreux seront les utilisateurs à qui échapperont les corrections apportées dans P 271, car leur liste figure tout en fin de l'appareil critique, après les commentaires sur les concertos transcrits.

Venons-en au texte musical. La gravure en est fort belle, claire et aérée. La partition ouvre bien sur le pupitre, et les pages restent bien ouvertes, grâce à la reliure cousue. À première vue, les tournes de pages sont assez bien prises en compte. Un examen comparatif entre cette édition, celle de Lohmann et la NBA démontre cependant qu'il y avait moyen de faire mieux. Lohmann, avec une gravure souvent plus serrée, compte 10 mauvaises tournes, Dirksen en compte encore sept impossibles. Dans ce domaine, NBA est le champion, avec seulement trois tournes impossibles. Mais il ressort de cette petite étude qu'une imposition plus calculée du texte musical permettrait de publier les six sonates sans la moindre tourne délicate!
Le texte est généralement bien dégagé de signes parasites. Quelques astérisques renvoient à des commentaires en fin de volume, mais cette pratique n'est pas généralisée. Dans la sixième sonate, le lecteur est intrigué par l'abondance de liaisons en pointillés, de points de staccatos et petites notes entre crochets. Une comparaison de la première partie (mesures 1 à 16) avec le fac-similé de P 271 amène les remarques suivantes: qu'est-ce qui justifie que les appogiatures des mesures 1, 3 (deuxième temps), 7 et 11 figurent dans le texte comme celle de la mesure 2, présente dans la source, et non entre crochets comme celles des mesures 3 (premier temps) et 5? Toutes six sont absentes de P 271. De même, je ne vois pas les liaisons des mesures 6 et 13 dans P 271. Elles devraient donc figurer en pointillés comme les sept autres liaisons de ce passage, sans doute reprises de P 272. Une mention de ceci aurait été bienvenue dans l'appareil critique, singulièrement tout à fait muet sur ce mouvement!

Outre les six sonates, on trouve dans ce volume trois versions antérieures de mouvements de la troisième et de la quatrième sonate, ainsi que le trio en ré mineur BWV 583. Après les cinq concertos transcrits, BWV 592 à 596, dans un ordre dont j'ai en vain cherché l'explication (592 596, 592, 593, 595), viennent les trois trios d'après d'autres auteurs: BWV 585 (Johann Friedrich Fasch), BWV 587 (François Couperin) et BWV 586 (auteur inconnu).
Le CD-ROM annexé à ce volume présente sept trios pour orgue, tirés de différents mouvements de musique de chambre, et réalisés par une main étrangère. Quatre d'entre eux ont été publiés vers 1850 par l'infatigable et curieux éditeur Georg Wilhelm Körner dans Orgel-Trios von J. S. Bach, Erstes Heft
 • 1. BWV 1014/3: Andante de la Sonate pour violon et clavecin.
Transposé en C. Körner, Heft 51, nr. 1, s. 2-3.
 • 2. BWV 21/1: Sinfonia de la cantate Ich hatte viel Bekümmerniss.
Körner, Heft 51, nr. 8, s. 10-11.
 • 3. BWV 1027/1: Adagio de la Sonate I pour clavecin et viole de gambe = Adagio de la Sonate pour deux flûtes et basse chiffrée BWV 1039/1.
P 804, s. 61-63.
 • 4. BWV 1027/2: Allegro de la Sonate I pour clavecin et viole de gambe = Allegro ma non presto de la Sonate pour deux flûtes et basse chiffrée BWV 1039/2.
P 288, s. 33-36.
 • 5. BWV 1027/4: Allegro moderato de la Sonate I pour clavecin et viole de gambe = Presto de la Sonate pour deux flûtes et basse chiffrée BWV 1039/4.
Memper-Preller Ms. 7, s. 9-12.
 • 6. BWV 166/2: Aria Ich will an den Himmel denken de la cantate BAV 166 = BWV 584 (devenu Anh. II 46, et attribué à Johann Tobias Krebs dans le catalogue de Schmieder, 2e édition (1990, p. 542), ce dont il n'est pas fait mention ici...). sans «Vorbild».
Körner, Heft 51, nr. 5, s. 2-3.
 • 7. BWV 790: Sinfonia 4 d-moll
Körner, Heft 51, nr. 4, s. 10-11.

Ce CD-ROM ne répond pas aux attentes de quiconque a un peu l'expérience de tels supports. Tout d'abord par son côté unilingue allemand. Les explications concernant l'usage de l'informatique sont moins compréhensibles pour l'utilisateur moyen (organiste ou musicologue) que les données techniques musicales, et le mode d'emploi aurait gagné à être traduit en anglais. Pourquoi n'y a-t-il pas moyen de copier des références depuis le «Kommentar», pour faire une référence, par exemple? Par ailleurs, je n'ai pas bien compris l'intérêt qu'il y a à indiquer par un surlignage coloré les passages correspondant à une explication du commentaire critique. Il faut pour en trouver l'explication cliquer sur la loupe qui reproduit dans une nouvelle fenêtre le passage surligné et vous donne en quelques mots l'explication en allemand. Pourquoi ne pas avoir simplement fait figurer ces explications dans la zone surlignée dans la partition? Et pourquoi est-ce sur le site de l'éditeur que l'on apprend que le CD-ROM n'est lisible sur Mac qu'avec le système Mac OS 10/6? Un avertissement sur le CD lui-même, ou son étui, voire dans la partition n'aurait-il pas été judicieux? Si vous n'avez que Mac OS 10.5, on vous offre aimablement une mise à joue à télécharger. Et si vous êtes un ancêtre, travaillant avec Mac OS 10.4 datant d'avril 2005 (ou plus ancien), tant pis pour vous: vous pouvez jeter le CD-ROM. Personnellement, si j'étais éditeur de ce volume, j'offrirais dans ce cas le téléchargement de cette matière somme toute peu abondante...

En résumé, voici un volume fort bien édité (un petit progrès dans le domaine des tournes de pages l'aurait rendu parfait), vendu à un prix raisonnable (29,80 ?). Les commentaires de Pieter Dirksen méritent d'être lus, cum grano salis, mais le musicologue scie en quelque sorte la branche sur laquelle il est assis quand, à plusieurs reprises, il renvoie aux Kritische Berichte de la NBA, qui restent donc une lecture incontournable.

Date du commentaire09/01/2012
  
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